Alsace d'abord C'est aux Arts décoratifs de Strasbourg que Laurent Hirn prend conscience que sa vie professionnelle peut s'accorder avec son goût pour le dessin sans passer par l'illustration médlcale.Avec Claude Lapointe qui dirige alors l'ate lier d'illustration, Laurent Hirn dit avoir appris « à décortiquer l'image, à savoir se poser les bonnes questions sur ses propriétés narratives, en matière de mise en scène ou de communication liIluStrateur pour Larousse et Milan, il cherche un scénariste pour se mettre sérieusement à la bande dessinée, dynamisé par la lecture de comics comme ceux d'Allan Moore, Franck Miller, jack Kirby ou Niel Adams. De son côté, le Belfortain Luc Brunschwig, admirateur des mêmes Moore et Miller, auxquels il adjoint René Goscinny, suit des études de pub: « Nous devions monter un événement médiatique: le premier Carrefour de l'illus tration du livre pour enfants de Strasbourg en 1989, que nous avons organisé avec les Arts décoratifs. De mon côté, je voulais déjà faire de la bande dessinée, il n'avait jamais été question de faire autre chose, mais il fallait bien rassurer mes parents. Lorsque j'ai fait la connaissance de Laurent,j'ai aussitôt oublié la pub pour engager les choses sérieuses et ne plus me cansacrer qu'à l'écriture.»
Le Pouvoir des innocents Premier projet à sortir de l'atelier strasbourgeois des auteurs, Le Pouvoir des innocents, thriller de politique-fiction, qui voit un vétéran du Vietnam à la dérive embarqué dans une machination pour la conquête de la mairie de New York, sur land de misére sociale, le récit se révëfe complexe, lait de multiples points de vue et dépourvu de héros clairement identifiables. Le dessin est réaliste, entièrement mis au service de la narration, mais il n'a rien à voir avec le trait passe-partout des productions basiques. « j'ai besoin de dessiner dans un styie qui m'est propre pour y prendre un minimum de plaisir, mais en fait ça ne m'intéresse pas beaucoup, constate Hirn,Je prérere le stade du découpage ou je me projette la suite d'images dans la tête et la facon dont je vais les mante~ le reste c'est un peu du remplissage,», constate Hirn, Comme Brunschwig, il laisse vivre les person- nages de l'histoire dans son esprit et son dessin prête plus à la description psychologique qu'à l'action, Le scénariste s'attache justement à la description de ses personnages, bien plus qu'aux rebondissements ou aux performances de tueurs ou com- ploteurs. Il ajoute: « j'aime placer mes personnages dans un contexte social pré- gnant, qui les écrase, les modéle... j'adore étudier l'interaction
« Il ne s'agit plus de polars dans l'univers de la politique, mais bien de séries noires évoquant en filigrane les grandes interrogations de notre société, »

Implication Pour une première bande dessinée, c'est un succès, les albums se vendent bien et "éditeur Delcourt, est ravi. Brunschwig propose de nouvelles histoires comme L'Esprit de Warren avec Stéphane Servain au dessin, un autre thriller fort et original. Il se voit aussi confier des projets où il doit développer des histoires qui ne lui appartiennent pas comme les séries Vauriens (dessin de Laurent Cagniat) ou Les NouvellesAventures de Mic MacAdam (dessin d'André Benn) ciblé pour un public assez jeune, et pour le coup peu intéressant pour un public adulte. Pour autant l'auteur ne désavoue pas ces albums: « ll y a différents niveaux d'ambitions dans mes projets, mais pas de différence d'implicatian dans le travail. Je me donne sur chacun à 100% sinon, je suis en pleine aphasie... incapable de faire parler mes personnages. » De son côté, Hirn travaille quasi exclusivement sur Le Pouvoir des innocents durant dix ans: le premier tome parait en 1992, le cinquième et dernier en 2002 (bref intermède: il réalise le découpage d'Urban Gomes en 1999, scénarisé par Brunschwig et dessiné par jean-Christophe Raufflet). Autant dire que le dessinateur a vécu longtemps

ENTRETIENS BD: LAURENT HIRN ET LUC BRUNSCHWIG

A cote de productions ultra-rentables et habilement formatées, le thriller, un des genres phare du mainstream en BD, laisse place à des auteurs populaires et animés d'une passion intelligente comme Laurent Hirn et Luc Brunschwig. Parcours du dessinateur strasbourgeois et du scénariste d'origine belfortaine à l'occasion de la sortie du Sourire du clown chez Futuropolis, dans une nouvelle collection dirigée par Brunschwig.